• Les photos sont Copyright du Lee Miller Archives

    La main exploséeWomen with fire masksOfficier SS mort dans le canal

    Ce sont Pierre et Elise qui nous ont proposé de visiter cette exposition au Musée du Jeu de Paume (où elle était présentée jusqu'au 4 janvier: si malgré ce que je vais écrire vous aviez envie d'y aller, c'est trop tard). 

    Lee Miller est une femme à la trajectoire intéressante, passée du statut passif de modèle/ muse/ actrice pour des artistes comme Man Ray ou Jean Cocteau (Le sang d'un poète, 1931, dont des extraits sont projetés en préambule à la rétrospective et dans lequel elle incarne différents rôles) à celui, actif, de photographe d'abord d'art sous l'influence des surréalistes, puis de mode, avant de réaliser des séries exotiques à l'occasion de son installation au Maroc où elle a épousé un riche fonctionnaire puis de devenir la seule femme photoreporter de guerre durant la seconde guerre mondiale.

    Elle a donc côtoyé du beau monde, collaboré à des revues prestigieuses (Vogue) voyagé et vécu une vie riche et aventureuse. C'est malheureusement à peu près tout ce que cette rétrospective, organisée par le Victoria & Albert Museum de Londres, et rassemblant environ 150 oeuvres de Lee Miller nous permettra d'apprécier de son oeuvre. Pour le reste, hormis quelques clichés réussis (cf 3 d'entre eux sur cette page), les oeuvres exposées ne mettent pas tant en valeur son talent d'artiste que de femme indépendante et accomplie. 

    Plutôt décevant quand le choix de photos présentées sur le site du Jeu de Paume laissait entrevoir une photographe surréaliste séduisante. La citation assez niaise et franchement prétentieuse qui clôt l'exposition "(...) il faut être un poète pour écrire des poèmes" est en ce sens un message à double tranchant dont on peut soupçonner qu'il n'a pas été tout à fait innocemment mis en exergue par les organisateurs de l'exposition...


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  • Louise Bourgeois et sa fameuse "Fillette"... photo de Mapplethorpe

    Attention, billet polémique qui pourra facilement être taxé de réactionnaire ou de ras-du-front...

    Il y a des oeuvres, et des artistes, qui gagnent à être présentés, expliqués, décryptés. C'est même souvent le cas, et moins on est pointu en art, plus les éclaircissement sous souvent nécessaires.

    Cette expo permet de comprendre qu'avec Louise Bourgeois, c'est résolument le contraire. Ayant déjà entendu l'artiste parler (des interviews non formelles), j'avais l'impression qu'elle n'était pas loin de la sénilité, ce qui était dommage, mais naturellement pas condamnable. Là, à moins que tous les textes de l'expo n'aient été rédigés à partir de ses déclarations récentes, il apparaît qu'en fait LB n'est pas retombée en enfance du fait de son grand âge: elle ne l'a simplement jamais quitté. Ce qui peut chez certains susciter une certaine admiration (un force imaginaire intacte!) est ici franchement affligeant.

    Sans connaître l'artiste en tant que femme, je n'appréciais pas toutes ses oeuvres, mais j'en trouvais plusieurs réellement réussies et je croyais bien aimer Louise Bourgeois. Et l'impression se trouve confirmée en fait avec plusieurs des pièces de l'exposition qui se tient au Centre Georges Pompidou du 5 mars au 2 juin 2008, qui possèdent toujours une qualité esthétique ou une capacité évocatrice enthousiasmantes, intriguantes voire inquiétantes. Mais en vérité, grâce aux éclairages donnés par les textes qui accompagnent les oeuvres, on apprend que le discours de l'artiste est fondamentalement bidon ("la peur c'est le passé, il faut être capable d'avancer pour vivre dans le présent") et gnan-gnan (cette jambe en bois déstabilisante qui flotte, suspendue dans la cage en fer de "Passage dangereux" c'est... le souvenir de la soeur Henriette qui boite... ) (et les chaises percées suspendues au grillage, à proximité d'une balançoire et d'une chaise électrique: la réminiscence de l'atelier du père; les araignées, c'est sa maman, parce qu'elle était gentille et protectrice ).

    "Passage dangereux"

    A ce régime-là, je préfère franchement rester dans le mystère de la création et imaginer mes propres interprétations à partir des oeuvres, plutôt qu'on m'explique des trucs aussi tartes et anti-évocateurs. En sortant de l'exposition, qui insiste lourdement sur la dimension nombriliste pardon, autobiographique de l'oeuvre de LB, j'avais l'impression d'avoir assisté à l'exposition des dessins d'une petite fille à qui on avait répondu un jour que, oui, son dessin était très joli, mais à qui on n'avait jamais cessé de donner des encouragements, même quand la maturité aurait requis une approche un poil plus exigeante de l'oeuvre. Alors, Louise Bourgeois: artiste naïve?

    Je ne sais pas si c'est l'expo qui donne cette impression à tort, ou si c'est vraiment le fond de son oeuvre, mais au final je n'aime plus Louise Bourgeois, et mon sentiment est que ses meilleures pièces sont faites malgré elle. Bah, après tout, c'est sans doute ça qu'on appelle l'inspiration...

    L'araignée (1997)


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    Exposition Babylone (Musée du Louvre) :

     

    Informations récoltées  sur le site de l’exposition

    http://mini-site.louvre.fr/babylone/FR/index_a.html

     

    Rassemblant pour la première fois des objets venant du monde entier, l’exposition « Babylone » souhaite réconcilier l’histoire et la légende. Sont évoqués le rayonnement et les étapes fondatrices de la ville antique et la manière dont le concept ultérieur d’une Babylone imaginaire prend son origine dans cette réalité historique.

    Les grandes époques de la civilisation babylonienne sont rappelées en s’appuyant sur la présentation de stèles, de statues et statuettes, d’objets précieux, de documents et de textes, de tablettes cunéiformes, de papyrus et de manuscrits.

     

    Donc Elise, Marion, Stéphane et moi-même sommes allés à la découverte de cette exposition ce dimanche 20 avril 2008. Nous sommes entrés dans les lieux en passant devant la horde de touristes attendant patiemment de pouvoir rentrer, car la mère de ma très chère et tendre travaille dans la librairie du Louvre ce qui nous octroie un droit de passage gratuit. (Droit inexplicable pour Stéphane qui ne demandait qu’à rejoindre le bout de la queue pour attendre deux heures lui aussi).

    L’exposition se découpe en trois parties :

    La ville historique

    La fortune critique de Babylone

    La redécouverte de Babylone et de sa civilisation

     

    Pour ma part, je ne parlerai que de la première partie, et encore, que des deux premières salles de l’exposition, puisqu’en deux heures et quelques, c’est tout ce que j’ai vu ! (Prendre son temps, c’est l’effet pervers de savoir qu’on peut revenir gratuitement ! Et puis il y avait une foule monstrueuse dans l’expo ce qui ralentit largement la progression, soit parce qu’on ne peut pas voir les vitrines à travers les touffes violettes de cheveux  d’octogénaires dont l’immobilité alarmante fait craindre au bête infarctus causé par la vue d’une scène érotique ancestrale, soit parce qu’on se prend à écouter les explications éclairées de parents à leurs enfants du genre « ça ? C’est une tablette mon chéri ! Et ça, ben c’est une tablette aussi, mais tu vois, elle est plus petite…).

    Je pense que Stéphane pourra parler du reste puisque lui et Marion ont réussi à finir l’expo malgré la foule.

     

    Primo, mon impression générale : les pièces sont incroyables et le choc culturel ne s’évite pas, mais les explications sont encore une fois bâclées. Si je peux avoir l’opportunité de commenter d’autres expositions sur ce blog, je pense que je rabâcherai ma déception et ma lassitude face au manque de pédagogie ou de communication dont font preuve les plus grands musées français. Chaque cartel semble avoir été écrit indépendamment les uns des autres, des informations manquent, d’autres sont dispersées sur plusieurs vitrines… Bref, un joyeux boxon où il faut souvent s’armer de patience et de calme (voir de fiches wikipédia imprimées au préalable) pour percer le mystère des pièces qui nous sont présentées.

     

    Ceci-dit, je pense que l’exposition est une réussite de part le sujet en lui-même. Je ne sais pas si c’est le cas pour d’autres générations, mais je crois pouvoir dire sans me tromper que l’enseignement de l’histoire en France omet sans vergogne de couvrir les civilisations mésopotamiennes. Le simple fait qu’on soit obligé de désigner ainsi des civilisations extrêmement diverses dont les naissances et les chutes se sont étalées sur plus de 3 millénaires, démontre à lui seul à quel point cet enseignement est lacunaire. De fait, le choc culturel est intense lorsqu’on se confronte à ces vestiges étranges, ces tablettes couvertes de symboles cunéiformes, ces représentations divines épurées, ces bijoux incroyablement raffinés. On est souvent partagé entre une contemplation perplexe de pièces dont le sens nous échappe, et d’une émotion poignante lorsqu’on constate la pérennité de certains traits caractéristiques de l’humanité. Et parfois  c’est un véritable frisson qui peut parcourir notre échine lorsque l’on lit les textes ayant inspirés certains passages de la bible (Le déluge dans des passages de L’épopée de Gilgamesh).

    [D’où une certaine inquiétude sur cette absence de l’enseignement des civilisations mésopotamiennes à l’école : s’agirait-il d’une manière de ne pas froisser la majorité d’élèves croyants en n’évoquant pas ces informations cruciales sur la genèse de la bible ?]

     

    Pour moi, cette première partie m’a permis de me rendre compte de certaines facettes de la vie à Babylone à cette époque, ceci  notamment grâce à la  grande variété des pièces exposées.

    Je vais donc profiter de ce blog pour parler des pièces qui m’ont le plus impressionné.

    Tout d’abord il y a le fameux Code d’Hammurabi, le plus célèbre et le plus complet des codes de lois de l’Antiquité avec notamment la célèbre loi du Talion qui a donnée l’expression « œil pour œil, dent pour dent ». Cette expression est en fait tirée des articles suivants :

    Si un homme a crevé l'œil d'un homme libre, on lui crèvera un œil.

    Si un homme a fait tomber les dents d'un homme de même condition que lui, on fera tomber ses dents

     

    Moins connus, sont les articles suivants mais qui valent d’être retranscris:

     

    Si un homme a crevé l'œil d'un esclave d'homme libre ou brisé un membre d'un esclave d'homme libre, il payera la moitié de son prix.

    Si un enfant a frappé son père, on lui coupera les mains.

    Si un homme a donné son enfant à une nourrice, et si cet enfant est mort entre les mains de cette nourrice, si la nourrice nourrit un autre enfant, sans (la permission de) ses père et mère, on la fera comparaître, et pour avoir nourri un autre enfant, sans (la permission de) ses père et mère, on lui coupera les seins.

    Le code d’Hammurabi est une œuvre monumentale, une sorte d’obélisque en Basalte de plus de deux mètres de haut, recouverte d’écriture cunéiforme, et qui porte sur une face un bas relief représentant le roi Hammurabi saluant Shamash, le dieu soleil, divinité de la Justice.

     

    Dans la même pièce, je suis tombé sur un acte de propriété et son enveloppe, ce qui peut surprendre quand on sait qu’il s’agit de tablettes et d’enveloppes en argile. Ce genre de procédé était utilisé pour préserver la tablette originale des effets du temps (la perspective que des magistrats avaient pensé à ce genre de problèmes m’a littéralement court-circuité le cerveau). Et en effet, la pièce en vitrine avait été « descellée » 56 ans après sa rédaction, lorsque la petite fille d’un propriétaire s’est vue accusée d’avoir augmenté la taille de ses terres.

     

     

    Dictionnaire Bilingue(sumérien/akkadien). On peut comprendre qu’il s’agit d’une série lexicale car chaque ligne commence par le même symbole. Là encore, choc métaphysique.

     

    Une autre tablette dont je n’ai pas retrouvé l’image, contient une formule qu’un guérisseur devait prononcer avant de procéder à opération sur une dent cariée. Voici une traduction de la formule :

    Quand Anu eût créé les cieux

    Que les cieux eurent créés les fleuves

    Les fleuves eurent créés les montagnes

    Les montagnes eurent créés les marais

    Les maris eurent créé le ver

    Le ver vint à Shamash et pleura

    Sa complainte atteignit Ea.

    « Que me donnerez vous à manger ? »

    “Je te donnerai la figue mûre et le jus de la pomme. »

    Mais le ver décline cette offre et explique son ambition:

    « Laissez-moi m’élever et demeurer entre la dent et la gencive !

    De la dent, je veux sucer le sang !

    De la gencive, je veux ronger la racine. »

    A ce moment, le guérisseur place une aiguille sur la dent du patient.

    “Parce que tu as dit cela, Ô ver, que Ea te frappe de sa puissante main ! »

    Et le guérisseur enfonce l’aiguille dans la dent du patient !

     

     

    Je finis sur un objet assez caractéristique de cette civilisation : Le cylindre-sceau.

    Il y en a de très nombreux et très variés dans l’exposition (dont un magnifique en cristal de roche). J’en parle parce qu’il s’agit d’un objet fascinant, même si l’enthousiasme s’érode une fois que le concept est compris. C’est donc un sceau qui se roule sur une tablette fraiche d’argile pour apposer la signature d’un haut fonctionnaire, ou d’un roi.

     

    Pour finir cet article, je ne peux que recommander la visite de cette expo, même si à mon avis, il vaut mieux se documenter avant d’y aller, et de prévoir plusieurs visites, ou une journée consacrée à la parcourir.


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