• Babylone au Louvre

     

    Exposition Babylone (Musée du Louvre) :

     

    Informations récoltées  sur le site de l’exposition

    http://mini-site.louvre.fr/babylone/FR/index_a.html

     

    Rassemblant pour la première fois des objets venant du monde entier, l’exposition « Babylone » souhaite réconcilier l’histoire et la légende. Sont évoqués le rayonnement et les étapes fondatrices de la ville antique et la manière dont le concept ultérieur d’une Babylone imaginaire prend son origine dans cette réalité historique.

    Les grandes époques de la civilisation babylonienne sont rappelées en s’appuyant sur la présentation de stèles, de statues et statuettes, d’objets précieux, de documents et de textes, de tablettes cunéiformes, de papyrus et de manuscrits.

     

    Donc Elise, Marion, Stéphane et moi-même sommes allés à la découverte de cette exposition ce dimanche 20 avril 2008. Nous sommes entrés dans les lieux en passant devant la horde de touristes attendant patiemment de pouvoir rentrer, car la mère de ma très chère et tendre travaille dans la librairie du Louvre ce qui nous octroie un droit de passage gratuit. (Droit inexplicable pour Stéphane qui ne demandait qu’à rejoindre le bout de la queue pour attendre deux heures lui aussi).

    L’exposition se découpe en trois parties :

    La ville historique

    La fortune critique de Babylone

    La redécouverte de Babylone et de sa civilisation

     

    Pour ma part, je ne parlerai que de la première partie, et encore, que des deux premières salles de l’exposition, puisqu’en deux heures et quelques, c’est tout ce que j’ai vu ! (Prendre son temps, c’est l’effet pervers de savoir qu’on peut revenir gratuitement ! Et puis il y avait une foule monstrueuse dans l’expo ce qui ralentit largement la progression, soit parce qu’on ne peut pas voir les vitrines à travers les touffes violettes de cheveux  d’octogénaires dont l’immobilité alarmante fait craindre au bête infarctus causé par la vue d’une scène érotique ancestrale, soit parce qu’on se prend à écouter les explications éclairées de parents à leurs enfants du genre « ça ? C’est une tablette mon chéri ! Et ça, ben c’est une tablette aussi, mais tu vois, elle est plus petite…).

    Je pense que Stéphane pourra parler du reste puisque lui et Marion ont réussi à finir l’expo malgré la foule.

     

    Primo, mon impression générale : les pièces sont incroyables et le choc culturel ne s’évite pas, mais les explications sont encore une fois bâclées. Si je peux avoir l’opportunité de commenter d’autres expositions sur ce blog, je pense que je rabâcherai ma déception et ma lassitude face au manque de pédagogie ou de communication dont font preuve les plus grands musées français. Chaque cartel semble avoir été écrit indépendamment les uns des autres, des informations manquent, d’autres sont dispersées sur plusieurs vitrines… Bref, un joyeux boxon où il faut souvent s’armer de patience et de calme (voir de fiches wikipédia imprimées au préalable) pour percer le mystère des pièces qui nous sont présentées.

     

    Ceci-dit, je pense que l’exposition est une réussite de part le sujet en lui-même. Je ne sais pas si c’est le cas pour d’autres générations, mais je crois pouvoir dire sans me tromper que l’enseignement de l’histoire en France omet sans vergogne de couvrir les civilisations mésopotamiennes. Le simple fait qu’on soit obligé de désigner ainsi des civilisations extrêmement diverses dont les naissances et les chutes se sont étalées sur plus de 3 millénaires, démontre à lui seul à quel point cet enseignement est lacunaire. De fait, le choc culturel est intense lorsqu’on se confronte à ces vestiges étranges, ces tablettes couvertes de symboles cunéiformes, ces représentations divines épurées, ces bijoux incroyablement raffinés. On est souvent partagé entre une contemplation perplexe de pièces dont le sens nous échappe, et d’une émotion poignante lorsqu’on constate la pérennité de certains traits caractéristiques de l’humanité. Et parfois  c’est un véritable frisson qui peut parcourir notre échine lorsque l’on lit les textes ayant inspirés certains passages de la bible (Le déluge dans des passages de L’épopée de Gilgamesh).

    [D’où une certaine inquiétude sur cette absence de l’enseignement des civilisations mésopotamiennes à l’école : s’agirait-il d’une manière de ne pas froisser la majorité d’élèves croyants en n’évoquant pas ces informations cruciales sur la genèse de la bible ?]

     

    Pour moi, cette première partie m’a permis de me rendre compte de certaines facettes de la vie à Babylone à cette époque, ceci  notamment grâce à la  grande variété des pièces exposées.

    Je vais donc profiter de ce blog pour parler des pièces qui m’ont le plus impressionné.

    Tout d’abord il y a le fameux Code d’Hammurabi, le plus célèbre et le plus complet des codes de lois de l’Antiquité avec notamment la célèbre loi du Talion qui a donnée l’expression « œil pour œil, dent pour dent ». Cette expression est en fait tirée des articles suivants :

    Si un homme a crevé l'œil d'un homme libre, on lui crèvera un œil.

    Si un homme a fait tomber les dents d'un homme de même condition que lui, on fera tomber ses dents

     

    Moins connus, sont les articles suivants mais qui valent d’être retranscris:

     

    Si un homme a crevé l'œil d'un esclave d'homme libre ou brisé un membre d'un esclave d'homme libre, il payera la moitié de son prix.

    Si un enfant a frappé son père, on lui coupera les mains.

    Si un homme a donné son enfant à une nourrice, et si cet enfant est mort entre les mains de cette nourrice, si la nourrice nourrit un autre enfant, sans (la permission de) ses père et mère, on la fera comparaître, et pour avoir nourri un autre enfant, sans (la permission de) ses père et mère, on lui coupera les seins.

    Le code d’Hammurabi est une œuvre monumentale, une sorte d’obélisque en Basalte de plus de deux mètres de haut, recouverte d’écriture cunéiforme, et qui porte sur une face un bas relief représentant le roi Hammurabi saluant Shamash, le dieu soleil, divinité de la Justice.

     

    Dans la même pièce, je suis tombé sur un acte de propriété et son enveloppe, ce qui peut surprendre quand on sait qu’il s’agit de tablettes et d’enveloppes en argile. Ce genre de procédé était utilisé pour préserver la tablette originale des effets du temps (la perspective que des magistrats avaient pensé à ce genre de problèmes m’a littéralement court-circuité le cerveau). Et en effet, la pièce en vitrine avait été « descellée » 56 ans après sa rédaction, lorsque la petite fille d’un propriétaire s’est vue accusée d’avoir augmenté la taille de ses terres.

     

     

    Dictionnaire Bilingue(sumérien/akkadien). On peut comprendre qu’il s’agit d’une série lexicale car chaque ligne commence par le même symbole. Là encore, choc métaphysique.

     

    Une autre tablette dont je n’ai pas retrouvé l’image, contient une formule qu’un guérisseur devait prononcer avant de procéder à opération sur une dent cariée. Voici une traduction de la formule :

    Quand Anu eût créé les cieux

    Que les cieux eurent créés les fleuves

    Les fleuves eurent créés les montagnes

    Les montagnes eurent créés les marais

    Les maris eurent créé le ver

    Le ver vint à Shamash et pleura

    Sa complainte atteignit Ea.

    « Que me donnerez vous à manger ? »

    “Je te donnerai la figue mûre et le jus de la pomme. »

    Mais le ver décline cette offre et explique son ambition:

    « Laissez-moi m’élever et demeurer entre la dent et la gencive !

    De la dent, je veux sucer le sang !

    De la gencive, je veux ronger la racine. »

    A ce moment, le guérisseur place une aiguille sur la dent du patient.

    “Parce que tu as dit cela, Ô ver, que Ea te frappe de sa puissante main ! »

    Et le guérisseur enfonce l’aiguille dans la dent du patient !

     

     

    Je finis sur un objet assez caractéristique de cette civilisation : Le cylindre-sceau.

    Il y en a de très nombreux et très variés dans l’exposition (dont un magnifique en cristal de roche). J’en parle parce qu’il s’agit d’un objet fascinant, même si l’enthousiasme s’érode une fois que le concept est compris. C’est donc un sceau qui se roule sur une tablette fraiche d’argile pour apposer la signature d’un haut fonctionnaire, ou d’un roi.

     

    Pour finir cet article, je ne peux que recommander la visite de cette expo, même si à mon avis, il vaut mieux se documenter avant d’y aller, et de prévoir plusieurs visites, ou une journée consacrée à la parcourir.


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  • Commentaires

    1
    Akodostef Profil de Akodostef
    Mardi 22 Avril 2008 à 13:55
    Bravo pour cet article! :D
    Je suis sans doute passé un peu vite sur la première partie, parce que je n?avais pas vu les sceaux cylindriques, c?est assez excellent !
    Détail capital: je ne trouve pas le principe du coupe-file parce-que-tu-connais-quelqu'un-de-bien-placé inexpliquable mais inJUSTIFIABle, c'est très différent! ;)
    Et comme moi aussi je veux rendre nos lecteurs plus intelligents, je qualifierai donc cet acte indigne de népotisme, qui est donc bien (vérification effectuée après coup, l'attitude qui consiste pour une personne occupant une haute position, à favoriser les membres de sa famille ou de son entourage amical ou social. C'est HON-TEUX!

    Sur le fond: l'expo était assez intéressante, et je conviens avec toi qu'il est assez étonnant qu'on aborde si peu les civilisations moyen-orientales dans le cursus scolaire: en-dehors de l'Egypte des pharaons, il ne me semble pas qu'on aie été voir plus loin en primaire pas plus qu'au collège ou au lycée, pour le peu dont je me souviens. C'est dommage parce que ça éviterait peut-être de mouler certaines mentalités sur un nombrilisme européen qui donne globalement l'impression qu'hormis l'Europe, il n'y a quand même jamais eu grand chose de remarquable et que l'occident a de tous temps détenu La Vérité...

    J'avais déjà eu l'occasion de voir la stèle d'Hammurabi mais sans m'y attarder, c'est vraiment d'une part un objet plastiquement beau, et d'autre part conceptuellement assez fantastique: c'est le premier recueil de jurisprudence! La description de certains cas permet clairement de voir que les sanctions décidées répondaient à une situation réelle qui s'était présentée, et dont on voulait qu'à même cause soient décidées lors d'une prochaine occurrence, les mêmes effets. La naissance de l'arbitrage au lieu de l'arbitraire, environ 3000 ans avant que le concept d'une justice égalitaire ne devienne un idéal considéré comme évident pour nous.

    J'ai été moins emballé par la suite, mais c'est parce que je ne suis pas un grand fan d'expos archéologiques: comme tu le soulignes, il me semble que pour toutes ces expos, il est nécessaire de venir avec un solide bagage (un guide à ta botte serait l'idéal...) parce qu'il est difficile de suivre l'histoire de la civilisation à partir des pièces qui sont présentées: la clé principale pour moi pour ne pas être complètement perdu dans l?expo aura été le topo qu?Elise et toi nous avez fait avant l?entrée dans la première salle, pour nous situer les grandes lignes de la civilisation et des personnages principaux. Sans vouloir (mais alors, vraiment pas) me prendre pour plus malin que les autres, je pense que les visiteurs qui viennent à ces expos en pensant qu?avec une connaissance nulle au départ, ils vont repartir avec une compréhension globale de ce qu?ils auront vu, se trompent. Mais j?avoue qu?il s?agit sans doute d?un reproche injuste parce qu?on ne pourra effectivement jamais faire comprendre en deux heures de déambulation à la fois l?essence et le détail d?une civilisation entière à quelqu?un qui n?en avait jamais réellement entendu parler.
    En l?occurrence, les textes (assez denses, et qui du coup occupent une bonne partie du temps passé dans l?expo !) qui décrivent les grandes étapes de l?évolution de la civilisation permettent quand même pas mal de suivre le fil de l?histoire, et les petits objets permettent de sentir le mode de vie des babyloniens, donc pour moi le contrat est quand même pas mal rempli.
    Une petite intro et une synthèse à la fin des expos de ce genre me paraitraient quand même bienvenus?

    A noter : un bon tiers de l?espace de l?expo est consacré au mythe de la Tour de Babel, ce qui est assez surprenant puisque ce mythe vient en complète contradiction avec tout ce qu?on a vu plus tôt : alors qu?on arrive dans cette section avec l?image d?une civilisation remarquable, tout le mythe de Babel repose sur la vision occidentale d?un peuple décadent puni par Dieu, et sans transition entre les deux perceptions. On ne trouve d?ailleurs plus trop de textes dans cette partie, si bien qu?on ne comprend pas comment est apparue cette conception très négative de Babylone ; je peux concevoir que mon incompréhension soit dûe à des lacunes de ma part, mais je pense que dans une expo grand public comme celles que propose le Louvre dans ce genre de cadre, on mise aussi sur l?ignorance possible du public et qu?on explique davantage des choses qui peuvent paraître évidentes à un public éclairé, quitte naturellement à ne pas les placer sur le même niveau d?importance hiérarchique (vive les liens hypertextes sur la toile !).
    Les ?uvres présentées en revanche sont, elles, souvent très sympathiques (des toiles du romantique John Martin (j?invite à aller visiter ce site : http://www.wojm.org.uk/ : même si les images n?y sont pas très bonnes, les peintures sont enrichies de bulles contextuelles qui permettent de déchiffrer la composition, reconnaître les personnages, les éléments du décor, et tout. Présentées dans l?expo du Louvre, on retrouvera notamment le Festin de Balthazar (Belshazzar's Feast), l?esquisse de La mort de Sardanapale (Delacroix), l?une de mes peintures favorites, quelques pièces de Rochegrosse, que je ne connaissais pas ; les enluminures des bouquins médiévaux présentés sont aussi très impressionnantes).

    Au final, je suis sorti content de l?expo, mais content aussi de ne pas y être allé seul les mains dans les poches, parce que j?aurai sans doute trouvé l?histoire trop vaste pour être appréhendée.
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