• Un peu de sémiologie

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    Séquence introspection : quand j’étais au lycée, je considérais les explications de texte auxquelles le programme et nos insupportables profs de français nous soumettaient, comme de vastes fumisteries. Tout ça pour moi relevait de l’interprétation arbitraire, et apprendre ce que signifiait tel ou tel texte consistait en fait à apprendre ce que la norme considérait qu’on devait y voir : j’écrivais moi-même de médiocres nouvelles à l’époque, et il était clair pour moi qu’on pouvait écrire des pages et des pages sans forcément chercher à dire quelque chose de plus que ce qu’on écrivait littéralement, et qu’on pouvait voir ce qu’on voulait dans telle ou telle tournure de phrase à partir du moment où on avait décidé qu’on allait y trouver quelque chose.

    Je ne suis pas complètement revenu sur cette dernière idée, même si après quatre ans d’étude en médiation culturelle au cours desquels j’ai suivi des cours de sémiologie (la science des signes), j’ai quand même fini par admettre que quand on crée quelque chose à partir de rien, chaque élément qu’on ajoute est choisi, et donc potentiellement signifiant (potentiellement seulement, hein : je reste quand même convaincu qu’un bon paquet de trucs qui sont produits aussi bien en littérature qu’ailleurs n’ont pas vocation à être interprétés au-delà de ce qu’ils disent littéralement ; il y a aussi toute une partie des interprétations qui peuvent être faites qui révèlent davantage sur l’inconscient de l’auteur que sur sa volonté consciente et là on en finit pas, surtout quand la subjectivité de l’interprète vient inévitablement par-dessus ça affecter la perception du message original).

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    Bref, la sémiologie, c’était quand même un cours intéressant même si ça frisait souvent la capillotraction (ce mot n’existe pas, mais je ne voyais pas d’autre tournure pour placer mon jeu de mots (friser, tirer par les cheveux, tout ça)).

    Et toute cette introduction, donc, pour expliquer pourquoi je publie aujourd’hui ce billet qui devait être court au départ, sur une humble publicité pour la marque Darty.

    La marque a d’habitude recours à des publicités plutôt simples aussi bien en ce qui concerne le fond que la forme : le logo de la marque, très épuré, la voiture tricolore bleue-jaune-blanche soi-disant emblématique du groupe (on n’en voit plus dans les rues depuis 12 ans –edit : tiens ben je viens juste d’en voir une ce midi en fait ! Je croyais sincèrement qu’il n’y en avait plus), et un message écrit en gros caractères noirs sur fond blanc.

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    Or, la dernière publicité exploitée par Darty pour sa Dartybox est à l’inverse complètement saturée de graphismes au look « jeune » et branché, genre BD 3D, ce qui est une première chose à noter : c’est que la cible visée n’est plus la même qu’avec les clients traditionnels de Darty, qui viennent y trouver d’ordinaire de l’électroménager classique, familial.

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    Le message annonce textuellement, avec un lettrage qui rappelle le graffiti - art mural urbain moderne et rebelle – « Vous en voulez toujours plus ? ». La saturation de l’espace par le message exprime ici le « plein » de  « matos » que pourra fournir la box à son heureux acquéreur (sachant qu’aujourd’hui toutes les « box » fournissent en gros la même offre, à part celle de Free qui continue à garder une longueur d’avance sur ses concurrents en matière d’innovation en apportant des contenus inédits, avec les chaînes perso par exemple).

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    Jaillissant des étroits interstices laissés entre les lettres, la publicité explicite un peu plus en détail toutes les merveilles auxquelles la Dartybox nous donnera accès (là où les concurrents énumèrent ces services de façon tellement stéréotypées que personne n’y accorde plus la moindre importance, pas même les annonceurs eux-mêmes qui mentionnent certains services en double dans leur pub : je ne sais pas si je vais réussir à la retrouver [ndr: effectivement, je n'y suis pas arrivé], mais on pouvait lire récemment une pub pour la Neufbox je crois, qui promettait avec son produit quelque chose comme la ligne téléphonique, le téléchargement illimité, <st1:personname productid="la télé HD" w:st="on">la télé HD</st1:personname>, et le téléphone !).

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    Or, et c’est là en vérité la raison de ce billet, le lecteur attentif de cette image (il a suivi des cours de sémiologie, je vous rappelle) découvre avec une certaine stupéfaction lesdites promesses :

    - une souris (on peut… se servir de sa souris sur Internet ? Bon, là ils se sont sans doute un peu craqués, mais je suppose que ça doit rappeler au consommateur que la Dartybox, c’est pour l’ordinateur)

    - un type avec un casque sur les oreilles (hé, tu peux télécharger toute la musique que tu veux sur Internet ! Légalement, cela va de soi.)

    - une télécommande (on peut regarder la télé sur Internet, accéder à des chaînes supplémentaires, etc.)

    - une main qui tient un téléphone (on peut téléphoner gratis avec une box)

    - un joystick (on peut jouer sur Internet) 

    Et… mais… qu’est-ce que c’est que cette longue jambe dénudée ?

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    Que promet au juste cette cuisse offerte ?

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    Incroyable ! Ce que cette pub vante en image et qu’aucune autre pub n’a pu faire avant elle parce qu’elle passait par le langage verbal, c’est le cul !

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    Là, je suis quand même curieux de connaître l’impact de cette campagne chez ceux qui auront eu l’occasion de la voir, parce que le visuel est quand même vachement chargé, et je serais déjà étonné que du monde se soit vraiment attardé dessus (déjà, que moi je me sois attardé dessus, ça m’épate, alors…) ; et ce détail qui change tout, cette cuisse nue qui est là, combien de gens l’auront remarqué parmi ceux qui auront vu cette pub ? Combien auront été suffisamment interpelés par cet élément étonnant pour comprendre qu’il ne s’agit pas que d’un élément de décor mais bien d’un argument de vente ?

    Et pourtant, il est impossible d’imaginer que cette jambe se soit glissée là par hasard : il n’y avait rien, là, et quelqu’un, à un moment de la conception de la pub, l’a insérée là (et les autres qui ont validé la pub l’ont laissée !).

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    Blague potache des auteurs de la pub pour eux-mêmes et pour ceux qui deviendront les complices de leur gag en découvrant ce truc énorme et franchement assez incongru ? Clin d’œil adressé aux jeunes, qui pourront plus facilement décoder la métaphore parce qu’ils comprennent à la fois mieux ce langage visuel (BD/ graff/ jeu vidéo…) et qu’ils savent bien ce qu’on peut effectivement trouver sur Internet ? Message purement mercantile de la marque qui appâte le chaland avec la plus vieille marchandise du monde, avec pour le coup une vraie trouvaille qui leur permet d’exprimer ce que personne à ma connaissance n’avait pu exprimer dans une pub grand public jusque là (en tous cas pas comme un argument de vente positif)?

    Je serais curieux d’en savoir davantage sur la genèse de cette pub, et en tous cas, ça valait bien un petit billet ! ;)

     


  • Commentaires

    1
    stoeffler
    Jeudi 12 Février 2009 à 18:18
    A noter que cette jambe d?d?semble ?e ?rt?de l'autre jambe (ici non pr?nte), ce qui vient ?yer ton argumentation.
    2
    Taupo
    Jeudi 19 Février 2009 à 19:21
    Oui mais alors quid du chien et du piaf mutant? Une invitation aux zoophiles?
    3
    Akodostef Profil de Akodostef
    Jeudi 19 Février 2009 à 20:21
    Mais enfin, c'est ?dent!
    Le piaf, par sa forme, ?que un virus. Eh oui les amis, on trouve des virus sur Internet! Je vous ai dit que cette pub ?it cash, c'en est une nouvelle preuve.

    Et le chien, ?demment, au-del?e la r?rence ?af le chien, c'est l'?cation des "chiens ?as? rubrique ch? ?os romans noirs et dans laquelle on pouvait lire les morts violentes du jour ou de la semaine: c'est la promesse qu'on trouve des trucs sordides sur Internet.

    CQFD.
    :D
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