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Watchmen, les Gardiens (Zack Snyder, 2009)
Watchmen est une série de bande dessinée d'Alan Moore, et illustrée par Dave Gibbons. Initialement publiée à partir de 1986 en 6 tomes, elle est assimilée généralement à un comic puisque mettant en scène des super-héros, mais classifiée dans la sous-catégorie plus pointue des « graphic novels » en raison du caractère « adulte » du traitement du sujet, et de la prépondérance du texte sur les illustrations.
L'histoire est une uchronie : censée se dérouler aux Etats-Unis en 1985, le temps du récit a été transformé par l'apparition en 1959 d'un super-héros aux pouvoirs divins, Dr Manhattan, qui a permis aux Etats-Unis de gagner la guerre du Vietnam et à Richard Nixon de continuer sa carrière présidentielle. A l'échelle mondiale, c'est néanmoins toujours la guerre froide, et alors que les Etats-Unis disposent d'un pouvoir inégalé grâce à la présence de Dr Manhattan à leurs côtés, le bloc soviétique multiplie les provocations, risquant de déclencher une guerre nucléaire dont il est plus que probable qu'elle laissera la planète dévastée.
Le cœur du récit ne se situe pourtant pas à cette échelle, et nous invite plutôt à découvrir une poignée de personnages, tous anciens membres d'une bande de super-héros nommés les Watchmen : successeurs d'un groupe précédent nommés les Minutemen [on apprend la raison de cette généalogie originale sur la page wikipedia française consacrée aux Watchmen: DC Comics avait racheté les droits d'un groupe de super-héros pour en faire dessiner la suite à Moore. Les Watchmen sont donc des versions actualisées (en 1986) des vieux superhéros rachetés par DC], ils ont longtemps servi de force de l'ordre pour le gouvernement américain avant d'être renvoyés à leur existence de citoyens ordinaires après que le peuple ait rejeté l'utilisation de ce genre de police.
On suit ainsi par l'intermédiaire d'une série de scènes habilement pensées (au contraire des flashbacks de Slumdog Millionnaire) la vie présente et le parcours passé de ces personnages : The Nite Owl, qui disposait de toute une panoplie de gadgets et devenu un type un peu bedonnant, gentil mais sans ambition ; Ozymandias, roublard mais apparemment bienveillant businessman multimilliardaire ; le Comédien, qui apparaît comme une barbouze que sa supériorité a rendu brutal et cynique ; le Silk Spectre, fille de Silk Spectre première du nom qui officiait dans les Minutemen et autour de laquelle tournent plusieurs intrigues liées aux romances existant entre les héros des deux groupes ; Dr Manhattan, scientifique devenu demi-dieu après une expérience physique qui a « mal » tourné et dont le rapport à l'humanité (en tant qu'espèce et en tant que concept) est le centre d'une part importante du récit ; et enfin Rorschach, justicier privé solitaire et désabusé, refusant la moindre compromission, le personnage le plus classe du lot, mille fois supérieur au Wolverine des X-Men, qui partage avec lui de grosses similitudes de registre (je serais curieux de savoir lequel a inspiré l'autre et à quel degré).
L'originalité du récit est de ne pas trop en rajouter sur les pouvoirs des personnages (hormis évidemment Dr Manhattan), qui semblent juste tous disposer d'une même force, rapidité et endurance surhumaines, se concentrant sur leurs destinées et l'évocation de l'univers original dans lequel ils évoluent pour aborder des thèmes plus « adultes » que dans la majorité des œuvres consacrées aux super-héros : les conséquences de l'existence d'une force supérieure aussi bien au niveau du rapport entre individus que de celui de l'état vis-à-vis de son peuple, ou encore de celui d'un état vis-à-vis de d'autres états ; la nécessité ou le besoin de se trouver un rôle dans la société en tant qu'homme mais aussi en tant que surhomme; l'insurmontable bellicisme des humaisn, voire leur nihilisme... bref, une réflexion humaniste, sociale et politique plutôt qu'une débauche de bastons.
L'intrigue générale de l'histoire paraît un peu bateau une fois entièrement révélée, mais elle sert en réalité essentiellement à créer un fil conducteur entre le reste des scènes, et pose aussi quelques questions morales (peut-être déjà vues, ok) intéressantes sur les moyens auxquels on est prêt à recourir pour atteindre un objectif positif, et surtout sur la légitimité qu'il peut y avoir à utiliser un pouvoir simplement parce qu'on en dispose, et les responsabilités que cela implique. Ou pour résumer, comme l'évoque la phrase-slogan : « Who watches the watchmen ? » (« qui surveille ceux qui nous surveillent ? »)
A ce jour, je n'ai toujours pas lu la BD (bien que Pierre nous l'aie filée depuis un petit moment), mais il me semble que le film de Zack Snyder (l'auteur de 300, pas vu non plus, mais qui avait l'air d'être quelque chose...) en sert honnêtement le propos, produisant un film un poil long mais riche et dense, à l'instar finalement de l'œuvre de Moore pour ce que j'en comprends. Visuellement, il y a du bon et du moins bon, mais ce que je reprocherais à l'esthétique est directement hérité de celle de la bande dessinée (le bleu phosphorescent du Dr Manhattan, les costumes archi kitsch des héros, le final dans une pyramide des glaces, avec une bestiole de compagnie ridicule et sortie de nulle part...), et l'ambiance est globalement cohérente et assez réussie.Ce n'est pas forcément un film que je recommanderais à tout le monde (malgré le grand écart tenté entre réflexion philosophique et film de super-héros, il est probable que Watchmen décevra la plupart de ceux qui viendront y voir spécifiquement un film d'auteur ou un film de genre), mais il vaut quand même le coup d'œil pour qui a l'esprit ouvert sur des œuvres baroques et originales.
Et puis le personnage de Rorschach (incarné par Jackie Earle Haley, inconnu du grand public mais qui gagne là l'occasion de pas mal mettre en valeur ses talents d'acteurs grâce à un personnage à forte personnalité) mérite à lui seul qu'on jette au moins un œil à ce film si on aime les personnages stylés : solitaire et rejeté, justicier intègre jusqu'à l'intégrisme, sa voix sépulcrale et son phrasé minimaliste apportent une touche de film noir intéressante à l'ambiance générale du film. Et puis c'est le premier roux qui a la classe de l'histoire du cinéma !! (je sais que cette déclaration est la porte ouverte à un bon wagon de contestations et de réprimandes, mais ça valait le coup quand même ^^)
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